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Naissance Badminton

La naissance de Badminton ne fut pas des plus aisées.
Je venais de terminer mon service militaire et je cherchais du travail.
J’avais déjà réalisé quelques
« Oncle Paul » chez Dupuis, mais j’avais envie de passer à autre chose.

D’autant plus envie qu’un sixième « Oncle Paul », de sept pages,
concernant une bataille navale pendant la première guerre mondiale,
m’avait été commandé, à quelques jours de mon entrée au service militaire.

Ne sachant trop quand j’aurais eu la possibilité de le dessiner et ne voulant pas,
pour le scénariste, immobiliser trop longtemps son histoire,
j’avais eu le malheur de retourner ce scénario chez Dupuis.

Grave erreur, qui me fit encourir les foudres du rédacteur en chef,
au point qu’il me déclara froidement ne plus jamais rien accepter de moi.
Bref, en attendant que mon forcing pour le faire changer d’avis aboutisse,
j’ai dessiné une série de pages « Modeste et Pompon » pour Mittéï, quelques histoires courtes des « Franval » pour Edouard Aidans et,
pour le même, un album sur le Tour de France.


J’avais entretemps rencontré un jeune scénariste, Michel Dussart,
qui m’avait proposé une histoire un peu
« Cliftonienne » dont le héros était Anglais.

Je ne me souviens malheureusement plus de son nom.

J’en avais dessiné quelques pages,
dont des copies doivent encore traîner quelque part…

Elles furent présentées, et acceptées, chez Spirou.
Malheureusement, Michel Dussart eut, peu après,
quelques problèmes avec la rédaction du Lombard,
problèmes qui, solidarité oblige, se répercutèrent chez Dupuis.
Ils firent que la série lui fut refusée.

Mais le rédacteur en chef, accroché par le graphisme du personnage,
demanda à Mittéï d’imaginer autre chose avec lui.

Ce personnage était tellement typé « Anglais » que Mittéï ne réussit à lui trouver d’autre emploi nouveau que celui d’un « British pur jus ».

Tout cela était limite, déontologiquement, vis-à-vis de Michel Dussart.

Je me contentais de le signaler, sans oser m’y opposer.

Cela faisait trop longtemps que j’essayais de placer une histoire et
je n’avais guère envie de faire
essuyer un second affront à l’irascible rédac,
n’en imaginant que trop bien les conséquences…

Et puis, j’avais déjà payé pour mes bêtises, je ne souhaitais pas
le faire à nouveau pour celles d’un autre.


N’empêche, cela m’a longtemps gratté aux entournures…

D’autant que j’avais fait la connaissance de Michel Dussart alors que
je travaillais sur un projet
d’album racontant l’histoire de la « Bête du Gévaudan ».

Il m’avait gentiment prêté un livre sur cette région de France,
que je n’ai jamais eu la possibilité de lui rendre,
ne l’ayant revu qu’une fois, à l’improviste.

J’en ai encore les entournures tout irritées…
La mort de Badminton ne fut également pas des plus aisées.

L’agonie fut longue.

Arrêtée un première fois pour raisons personnelles d’un rédacteur en chef
(voir à « personnages, Garonne et Guitare, naissance »),
la série revit le jour suite à un combat des chefs
entre l’ancien maître de la rédaction et sa nouvelle mouture.

Voulant servir de laxatif à l’ancien (qui demeurait dans la boîte,
à un autre poste, mais ne l’avait pas encore vraiment compris, ou admis),
le nouveau lui supprima presque tout ce qu’il avait lancé et remis à l’ordre
du jour Badminton, que son prédécesseur avait rejeté.

Las, ce nouvel occupant du trône rédactorial n’appréciait pas plus ce pauvre personnage que son aîné.

Il en commanda quatre épisodes, qui furent réalisés,
qu’il paya rubis sur ongle et n’en publia qu’un.

Puis il interrompit toute collaboration, tant avec Badminton qu‘avec moi-même.

La fin était proche, mais notre triste héros avait la vie dure.

Ses planches s’empoussiéraient dans les strates d’une armoire.

Elle y furent retrouvée quelques années plus tard par une nouvelle mouture
de l’aléas rédactionnel.

Le succès de Pierre Tombal lui fit manquer, de peu, son retour à la vie…

Ce fut moi qui signai son arrêt de mort définitif en refusant l’exhumation de
ces épisodes inédits,
si peu chers payés quoique néanmoins payés, par Monsieur Dupuis.
Mais qui sait, un jour ???
Ainsi va la vie…