Naissance d’Arkel
Je venais de traverser, je traversais plutôt,
la période la plus dure de ma vie de dessinateur.
Je travaillais depuis une dizaine d’années pour le beau
journal,
pas encore magazine,de Spirou et venais de m’en faire vider,
sans avoir rien vu venir,sans le moindretoutpetitminusculeinfime zeste
d’avertissement…
Et notre deuxième enfant, Michaël, qui
venait tout juste de naître…
Et nous qui n’avions, mon épouse et moi,pour ainsi dire
si peu de rien derrière nous qu’il valait, surtout,
mieux ne pas y penser...
Pendant presqu’un an,j’ai frappé
à toutes les portes éditoriales,
essuyant, au mieux, refus sur refus,
au pire, la plus complète indifférence.
Je vous assure que dans ces conditions,
presqu’un an, c’est plus terrible qu’une éternité.
Et puis, un beau jour, Stephen Desberg m’a contacté.
Il était tombé sur deux courts récits que j’avais
publiés juste avant ma traversée du désert.
Le dessin lui avait plu et il me proposait de dessiner
Arkel…
pour… Spirou. Contentement, ravissement, extase mais aussi,
craintes, angoisses, sueurs froides.
Il m’a fallu du temps, travailler simultanément
sur deux autres séries,
pour un autre éditeur et surtout, ô surtout, que l’ancien
rédac-chef soit
à son tour viré, pour reprendre un peu confiance en
l’avenir.
Comme je le disais plus haut, je travaillais depuis
une dizaine d’années déjà sans avoir rien
concrétisé,
mon métier consistant surtout
à ramer très fort.
Même si j’y prenais beaucoup de plaisir,
cela m’angoissait et se
ressentait sur mon dessin qui devenait lui aussi de plus en plus angoissé,nerveux,tordu.
Arkel m’a permis de tout remettre à plat sur le métier
et de purger mon dessin d’une partie de ses excès.
Je lui en serai éternellement reconnaissant.
Béni sois-tu, petit ange!