Les suivants furent deux recueils Spirou. J'étais impressionné par ces couleurs, mises en trames baveuses, ces larges points rouges, jaunes, ces gros traits diagonaux parallèles, serrés, barrant les cieux, laissant apparaître entre eux le blanc du papier… Tout cela juxtaposé à de grands aplats intenses de couleurs rouges, jaunes, verts, 100% primaires, accusant parfois un décalage qui plaçait le carmin d'une bouche au beau milieu du menton. Que cela était laid ! Plus personne, dessinateur, lecteur, éditeur même, n'accepterait cela aujourd'hui. Mais que cela avait donc du charme !… Et, une fois encore, l'odeur de ce papier, de ces encres… Une odeur rêche, poussiéreuse, qui n'appartient qu'à elle et à son époque.
C'étaient les recueils 26 et 27. Je les ai abandonnés, avec tant d'autres, en Afrique. Je ne les ai toujours pas rachetés aujourd'hui… Peur d'être déçu ?… J'en ai d'autres, pour l'odeur, les trames…

 

J'y ai découvert un aviateur, plongeant vertigineusement des cieux vers un porte-avions japonais.
La seconde guerre mondiale était proche encore. Les enfants en étaient abreuvés. Nous tremblions devant ces " Faces de citrons ", cruelles, sadiques.
Le racisme était affiché, naturel. Il y avait les bons, vraiment bons, et les mauvais, ô combien mauvais ! Pas de nuances. Cela a peu changé, encore maintenant, dans de nombreux films de SF, par exemple, la différence étant la couleur annoncée, le Jaune !… Encore un qui m'a longtemps accompagné, cet aviateur.
Lui aussi a laissé ses marques dans mon travail…même si ces marques ont été légèrement perverties…

Allez avec votre souris...déposez délicatement votre curseur sur le dessin de la main, ne cliquez pas.

 

J'y ai connu aussi mes premiers battements de cœur… Pour la douce et chaste Susan…Que n'aurais-je fait pour la séduire, elle qui osait se placer derrière les mitrailleuses jumelées d'une Forteresse volante et abattait un avion… Jaune?…
Chère Susan, qui ne m'as-tu point inspiré ?…

Allez avec votre souris...déposez délicatement votre curseur sur le dessin de la main, ne cliquez pas.

 

Peu de choses, en fait ! Mon inspiration irait plutôt vers celles qui se placent devant les mitrailleuses… Autre époque…
Je garde une autre image, qui m'horrifiait : une grande case, un porte-avions qui coule et, à l'avant-plan, une main, énorme… Elle jaillit de l'eau, s'accroche désespérément à l'air, repousse le plus tard possible la noyade, inéluctable… Mais elle demeure là, magie de la bande dessinée. On peut infiniment revenir à elle, l'empêcher de couler… Ou prolonger son
agonie… J'ai revu, il y a peu, cette image. Qu'elle est petite, cette main si grande... Mais qu'elles restent laides, ces trames de couleurs… Quel grand bonheur ! J'ai découvert nombre d'autres choses, dans ces recueils. J'en parlerai plus loin ; A l'époque, elles s'effaçaient devant cette main, devant Susan …

 

Déposez délicatement votre souris,
ne touchez plus à rien, ne bougez plus...
Ne respirez plus... Un peu de patience..."

 

Déposez délicatement votre souris,
ne touchez plus à rien, ne bougez plus...
Ne respirez plus... Un peu de patience..."
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